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A bas l'obscure clarté

C'EST peut-être le moment de leur prêter une oreille. Le forum économique de Monterrey qui vient de se terminer se voulait " le plus important des vingt dernières années ". Comme prévu? les belles âmes mondiales se sont donné pour pas cher des airs de grands seigneurs- voici quelques miettes supplémentaires, applaudissez, manants ! Le terme de " développement durable " n'a jamais connu pareille vogue: Chirac s'en est emparé, Jospin aussi, et également les signataires (Notat, Rocard, Barre, Peyrelevade, Camdessus, etc.) d'un manifeste lancé par le club humaniste chrétien Convictions. Oui, voici le moment d'écouter ceux qui veulent carrément " en finir avec le développement ", et le font savoir: un livre (1), un récent colloque à l'Unesco (2), deux numéros spéciaux de revues (3).

Que disent-ils ? Simplement que la grande entreprise paternaliste du développement (les pays riches développent les pays les moins avancés) menée depuis l'aprés-guerre s'est soldée par un échec retentissant: le Sud s'est enfoncé dans la misère tandis que le Nord découvrait les effets pervers de la croissance (pollutions, épuisement de l'énergie et de l'eau, crise climatique, etc.). D'où l'invention du concept de " développement durable ", c'est-à-dire qui puisse durer indéfiniment tout en préservant l'écosystème. Traduit par un patron américain, cela donne: " Nous voulons que survivent à la fois la couche d'ozone et l'industrie américaine. "

Pure utopie marchande répondent les anti-développement; parfait oxymore, précise l'économiste Serge Latouche (3), c'est-à-dire juxtaposition de deux mots contradictoires (comme dans " obscure clarté " ou " guerre propre "). Le développement ne peut être durable. Il ne peut y avoir de croissance infinie sur une planète finie, et les 20 % de riches ne peuvent continuer de faire main basse sur 80 % des ressources naturelles. Du coup, plus forte encore que la fameuse " croissance zéro " des années 70, voilà que naît l'idée de `< décroissance soutenable ". Il ne s'agit pas de se réfugier dans un immobilisme conservateur, mais de " renoncer à l'imaginaire économique c'est-à-dire à la croyance que plus égale mieux ". Fin des gadgets. De la publicité. Des produits manufacturés peu chers importés au profit d'objets produits localement. De notre modèle de développement imposé aux pays pauvres, etc. " Un peu de frugalité dans ce monde d'obèses ! ": voilà un slogan qu'on n'aura guère entendu pendant la campagne...

Jean-Luc Porquet

(1) François Partant, " Que la crise s'aggrave ! " (éditions Parangon 2002).
(2) Colloque international sur l'après-développement, le 28 février dernier.
(3) " L'écologiste " n° 6, hiver 2001, et " Silence ", n° 280, février 2002.

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« Celui qui
croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »
Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.

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