Développement. L'obésité durable
À Rennes, le Premier ministre défend le développement durable " dans un monde où la course à l'intérêt rend certains aveugles et dangereux ". La question du développement durable est, dit-il, " la plus grave à laquelle nous sommes confrontés, car elle met en cause notre terre-patrie ". " Les pays riches ont des devoirs. " Ils " doivent modifier les modes de production et de consommation... promouvoir l'éco-efficacité ". Sont promises " une charte de l'environnement " et " une éducation à l'environnement, dans le cadre d'une éducation civique rénovée ".
Le développement durable, selon la définition du rapport Bruntland (I987), doit " permettre de satisfaire les besoins des générations actuelles sans compromettre les besoins des générations futures ". C'est la variante économique de la définition poétique de Saint-Ex: " Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. " C'est une conception mécanique et matérielle du " durable ". Certes, en soi, cette définition est stationnariste : dans la mesure où, dans un pays comme la France, les générations se reproduisent à l'identique, chaque individu ne peut plus voir sa consommation d'énergie et de matière première augmenter. Or la consommation actuelle, même inchangée, est destructrice de l'environnement. I1 est donc nécessaire de la réduire.
Les Français produisent 26 millions de tonnes de déchets par an, soit un kilo par personne et par jour. En 2020, la production d'ordures ménagères aura doublé. Entamée depuis dix ans, la réduction des déchets à la source est un échec: la moitié des détritus est toujours mise en décharge, alors que celle-ci n'était prévue que pour les déchets ultimes.
Les déchets industriels dépassent les IOO millions de tonnes par an. Un tiers seulement est retraité. Les communes s'en moquent. Le 2 juillet z002, les décharges auraient dû refuser les bennes à ordures n'ayant pas fait de tri préalable. La mise en décharge coûte deux fois moins cher que l'incinération et trois fois moins cher que le recyclage. Alors, on jette. C'est ,ca, " I'efficacité " du marché, l'obsession du moindre coût: on jette derrière soi. Palme d'or: Marseille, et la décharge d'Entressen, I 200 tonnes par jour la plus grande décharge d'Europe. Encore s'agit-il d'une décharge officielle, et non d'un dépotoir. I1 y a 40 ooo sites sauvages en France. Dans cinq ans, nous aurons un petit excédent de 5 millions de tonnes d'ordures. En ces époques de déficit, c'est toujours bon à prendre.
Le groupe des Ciments Lafarge est l'un des plus gros pollueurs du monde. Ses carrières détruisent des paysages entiers. À lui seul il émet autant de gaz à effet de serre que la Suisse. I1 a signé un accord avec le WWF pour planter des arbres, accord qu'il paie I,I million d'euros par an. Le mariage de la com et de l'environnement.
Esso, Total, Monsanto, EDF, Areva (le nucléaire, la merde de rêve, dont madame Bachelot refusait d'enfouir les déchets près de chez elle, à Ségré&emdash;et elle avait raison) et autres ordures, au sens propre, communiquent sur le développement durable et polluent à tire-larigot.
Raffarin communique, mais son gouvernement agit : madame Bachelot refuse d'appliquer la loi de I992 qui impose la fermeture des décharges publiques, Hervé Gaymard, employé de la FNSEA, prend pour première mesure la modulation des aides agricoles qui transférait une infime partie des aides aux empoisonneurs-pollueurs vers l'agriculture durable, Gilles de Robien réouvre le tunnel du Mont-Blanc. Le développement durable! Tu parles! La croissance humaine passe par la décroissance économiquel. Osons la décroissance.
ONCLE BERNARD
1. Lire Silence, février 2002, n° 280, " La décroissance ".
« Celui qui
croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. » Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.
Bêtisier du développement durable
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