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Sauver le monde par la "décroissance soutenable" !

Résistant à l'invasion de la société de consommation, la revue "Silence" propose de réduire la production des biens polluants au profit des relations humaines.

HorizonsNous sommes en 2002 après J.-C. Toute la Gaule est dominée par les idéologues de la croissance... Toute ? Non ! Une revue peuplée d'irréductibles écologistes résiste toujours à la pensée monolithique. Et elle publie un dossier qui ne se contente pas de critiquer la croissance, mais analyse les conditions qui permettraient de réaliser la "décroissance", selon le concept posé dans les années 1970 par l'économiste Georgescu-Roegen. On pourrait difficilement aller plus à l'encontre des tabous dominants. Ce qui ne dérange pas la revue Silence, basée à Lyon, et qui se fait, depuis 1982, discrètement, mais avec ténacité, l'expression des initiatives et des idées alternatives sous l'étendard de l'écologie.

Les prémisses de l'analyse, posées par Bruno Clementin et Vincent Cheynet, sont connues : en cherchant une augmentation constante de sa richesse matérielle, le système économique diminue le capital naturel de la planète. Celui-ci étant limité, la croissance conduit logiquement à la faillite par épuisement des ressources naturelles ou par l'accumulation de polluants à un niveau tel que la biosphère ne pourra plus les absorber. La réponse traditionnelle est que le progrès technologique permet de prévenir ces risques par une amélioration continue de l'efficacité de l'utilisation des matières premières et par une substitution de nouveaux matériaux aux anciens.

Ce mécanisme ne fonctionne pas, réplique François Schneider en présentant "l'effet rebond", un concept apparu récemment dans les revues scientifiques (Energy Policy, Ecological Economics), mais encore mal connu du public français. Cet effet exprime le constat que l'amélioration des procédés industriels en termes d'efficacité écologique se traduit, paradoxalement, par une augmentation de la consommation matérielle : en effet, la baisse du prix de revient permise par cette amélioration dégage un revenu supplémentaire disponible pour de nouvelles consommations, "qui se reportent sur d'autres produits ou services. Par exemple, les gains des économies d'énergie pourront être utilisés pour voyager plus".

 

POUR UN "FUTUR ACCEPTABLE "

Ce phénomène a été en quelque sorte validé par un rapport de l'OCDE, publié en mai dernier, Les Perspectives de l'environnement de l'OCDE (Le Monde daté 27-28 mai 2001), qui constatait que la croissance des pays développés s'accompagnait d'une augmentation guère moins rapide de la pollution et de la consommation.

Quelle est donc la solution pour ceux qui placent l'avenir de la biosphère au premier plan de leurs préoccupations ? Pas le "développement durable", argumente Serge Latouche, pour qui ce terme très en vogue ne remet pas "en question le développement réellement existant". En fait, "pour sauver la planète et assurer un futur acceptable à nos enfants, il ne faut pas seulement modérer les tendances actuelles, il faut carrément sortir du développement et de l'économisme".

Il reste à préciser les conditions de cette décroissance, qui devra être "soutenable", c'est-à- dire ne générant pas de "crise sociale remettant en question la démocratie et l'humanisme", notent Bruno Clementin et Vincent Cheynet. L'économiste Mauro Bonaïuti explique en effet qu'"une politique écologique fondée uniquement sur une forte réduction de la consommation créerait, vu la distribution actuelle des préférences, une forte réduction de la demande globale, et donc une augmentation importante du chômage et du malaise social".

La clé se trouve donc dans une distribution différente des préférences, afin que les consommateurs choisissent des biens immatériels basés sur les relations humaines plutôt que sur les produits matériels dommageables pour l'environnement. "La décroissance matérielle sera une croissance relationnelle sociale et spirituelle ou ne sera pas."

Silence, no 280, février 2002, 4 euros. 9, rue Dumenge, 69004 Lyon.

Hervé Kempf

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« Celui qui
croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »
Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.

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