« Tout à coup, l’humanité comprend que c’est sa survie qui est en jeu, qu’un suicide collectif est en marche. » Alain Juppé a-t-il eu une révélation ? On pourrait le croire. Le réchauffement climatique ? « Le défi majeur », estime-t-il dans sa tribune du Figaro du 16 janvier. Le rythme de la déforestation ? « Effrayant ». La consommation ? Si tout le monde consommait comme les pays industrialisés, « plusieurs planètes n’y suffiraient pas ». Le nombre d’espèces qui disparaissent chaque année ? « Stupéfiant ». Enfin, « l’augmentation exponentielle de la population humaine depuis le XIXe siècle est l’une des causes principales des déséquilibres de tous ordres qui fragilisent la vie sur Terre. » Diantre ! René Dumont s’est-il réincarné ?! On en saura un peu plus les 2 et 3 février à Paris, à l’occasion d’une Conférence internationale sur l’environnement organisée à l’initiative de Jacques Chirac et sous la houlette d’un Comité d’honneur présidé par Alain Juppé. L’objectif est d’appeler à la création d’une « Organisation des Nations unies pour l’environnement ». Personne n’y avait donc encore songé, alors que depuis quarante ans les hauts décideurs font de mirifiques déclarations sur la protection de l’environnement ? Mais si ! La recette de Clémenceau – si vous voulez enterrer un problème, créez une commission – a déjà été appliquée : c’était en 1972, après la Conférence de Stockholm, avec la création du Programme des nations unies pour l’environnement. Le problème persiste ? Recommençons, avec une nouvelle structure, bien sûr beaucoup plus ambitieuse. Dont la naissance prendra bien cinq ou dix ans, c’est toujours ça de gagné. Car il ne faudrait pas compromettre les affaires. Après ses envolées, Juppé précise : « le but n’est pas de produire moins, de consommer moins, de se déplacer moins (…) Ce n’est pas la décroissance qu’il nous faut organiser, mais une autre forme de croissance (…) une croissance écologique » ! Désespérant. Mais enfin ! M. Juppé, puisque selon vos propres termes « plusieurs planètes ne suffiraient pas » si chaque Terrien avait notre mode de consommation, la décroissance du PIB des pays industrialisés est une évidence ! Devant l’addition 2+2, vous répondez 5. Essayez encore. Demandez donc conseil aux six membres du Comité d’honneur de la conférence que vous présidez : Nicolas Hulot, Edgar Morin… Tiens ! Mais voilà Bertrand Collomb dans cet aréopage. Que fait ici le roi du béton, le président de la multinationale Lafarge ? Ce PDG auquel vous semblez si attaché de votre erreur de raisonnement est peut-être la cause. La nature ou le béton, il faut choisir.
Thierry Jaccaud est rédacteur en chef de L’Ecologiste, édition française de The Ecologist. Disponible en kiosque. www.ecologiste.org
Tribune reproduite avec l'aimable autorisation de son auteur.
« Celui qui
croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. » Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.
Bêtisier du développement durable
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