Je suis la véloroute faite sur une ancienne voie ferrée. Je passe
par St Jean-de-côle
Je resterai deux jours chez Yvan et Marie-Claire à la ferme du brandau.
Yvan fait une thèse sur l’agriculture bio. Nous parlerons de ses
différents fondateurs. A mon avis la notion de local n’est pas
assez explicitée dans le concept de départ, d’où
l’importance de spécifier bio ET local. Mes hôtes participent
à des expérimentations de maïs non-transgénique. Mais
les sangliers ne semblent pas comprendre de l’importance de cette mission
politique et dévastent ce champs comme les autres.
Très catholique comme sa femme, Yvan est choqué par le fait qu’un
des fondateurs reconnu du bio, Rudolf Steiner, soit tant marqué par le
spiritisme. Il préfère Fukuoka qui a lancé l’idée
d’une agriculture peu interventionniste (sans taille, sans labour, sans
traitements, sans enlever les mauvaises herbes ou du moins par petites touches
subtiles).
Mon cousin Bruno
Villars – Champagnac-de-Belair 24/09
Je quitte le Brandau. La petite Mana est prête à partir à
l’aventure avec Jujube semble-t-il. Mon périple fascine vraiment
les enfants.
Il m’est difficile d’avoir un rendez-vous à l’hôpital
d’Angoulême pour faire une analyse IRM. Il faut renvoyer toutes
sortes de papiers, avoir tout son dossier avec soi. Je me résous à
lui expliquer que je voyage à pied. C’est alors que Jujube se met
à braire à 1 mètre du téléphone. A partir
de ce moment la secrétaire au départ très gentille et volontaire,
me semble très exaspérée. Il me faut attendre un mois pour
faire cette analyse médicale.
Incroyable toutes ces monocultures de maïs qui existent à 90% pour
nourrir les animaux d’élevage industriel. Dans la suite des horreurs,
quelles surfaces vont être nécessaires pour nourrir les «
animaux-voitures » avec des champs de colza et de tournesol si nous continuons
à vouloir nous déplacer frénétiquement avec tous
ces engins routiers ? On trouve déjà peu de champs pour nourrir
les gens et peu de nature. D’après des documents soutenant le bio-diesel
il ne faudrait « que » 20 millions d’hectares de tournesol
ou colza pour satisfaire nos besoins actuels de transport.
Ce sont les premières châtaignes. Jujube goûte ce nouveau
fruit inconnu. Elle aime quand je lui en donne mais surtout quand elles ont
été « épluchées » par les voitures.
Elle a compris que les noisettes étaient délicieuses et elle les
croque toutes.
Chouette soirée chez des éleveurs, Agnès et Stéphane.
Ils m’invitent pour un repas fantastique. Je m’étais justement
dit que j’allais dire que je suis végétarien et que je préfère
manger cru (c’est mieux quand on a une tumeur paraît-il). Mais le
soir j’abandonne cette décision. Comment résister à
toutes ces victuailles tellement bonnes que l’on m’offre si généreusement.
Le matin le maréchal ferrant vient. C’est vraiment très
gentil de sa part d’avoir pu se déplacer. On ne ferre que les pattes
de devant. Mais jujube ne se laisse pas faire. « Il faut savoir qui est
l’esclave et qui est le maître ». Piqûre pour l’endormir,
puis utilisation douteuse appelée le tourné qui tord de manière
horrible les lèvres de l’ânesse. Mais ça ne marche
pas, ne marchent pas non plus les coup avec les différents outils. Jujube
accepte de moins en moins. La compréhension et la douceur sont bien plus
efficaces que ces méthodes barbares. Je n’arrive pas à faire
ce que le maréchal ferrant me demande, je me retrouve coincé mais
ne peux jouer le jeu, j’en suis malade. Je veux tout faire maintenant
pour éviter d’avoir à ferrer. Il me faudra accepter de marcher
moins tout simplement.
Champagnac-de-Belair – Brantôme 25/09
Brantôme 26-27/09
Je resterai quelques jours au Jardin d’Alaije, lancé par Corinne
et son copain qui vivaient au RMI avec un petit jardin et une auto-production
de légumes. Ils ont voulu partager ce savoir avec des sans abris pour
qu’au moins ils puissent produire leur propre nourriture de meilleure
qualité. C’est une superbe réussite avec 18 employés
qui réalisent journellement un magnifique jardin botanique. Ils produisent
les fleurs pour la ville et des légumes pour ceux et celles qui y travaillent.
Mais parfois les RMIstes qui viennent sont assez peu intéressé
par les légumes, surtout les célibataires masculins. IL faut les
convaincre d’en prendre. C’est beaucoup plus simple de cuire des
patates et des nouilles. Cela nous apprend que le problème n’est
pas forcément matériel. Je m’en rend compte avec tous ces
fruits qui se perdent partout : tellement de pommes, de noix, de châtaignes,
de fruits sauvages se perdent. Et pourtant il pourrait en rester bien plus,
on a coupé beaucoup d’arbres pour favoriser les monocultures. Le
modèle des pauvres est celui que l’on voit à la télé,
dans la pub et ne valorise pas l’épluchage de châtaignes
ou de haricots. Le problème est bien plus culturel, comme dit Serge Latouche,
il s’agit de « décoloniser l’imaginaire ».
Les amis d’Alaije participent aussi, entre autres projets, à la
réalisation des chemins de randonnée. J’ai pu voir à
l’œuvre un travailleur dédié à la mise en place
de ces chemins et du balisage. Dommage que la réalisation soit un peu
trop tournée sur les boucles, bien tous les randonneurs modernes sont
des automobilistes.
35 personnes environ sont venues à la soirée débat. L’organisation
de ces jours-ci doit beaucoup à Bruno mon cousin artiste du périgord.
Après la présentation et le débat il nous a fait apparaître
l’ombre de l’ânesse et moi-même sur un grand drap. Il
a ainsi fait apparaître l’ombre des passants à Périgueux.
Alaije- coin de forêt 28/09
Je pars d’Alaije.
Jujube se sauve avec des touristes.
Ha si tous les vieux chemins existaient ma vie de colporteur serait tellement
plus facile. Jujube avance tellement bien par les chemins forestiers. Le pire
étant les bords de route, avec toujours de la luzerne qui arrête
l’ânesse, avec le danger des voitures, qui fait que je dois la surveiller
sans arrêt.
La grande force de l’action Jujubesque est son absence totale d’a
priori négatif. Elle s’approche de tous les animaux même
les chiens qui aboient pour leur faire la bise comme elle le fait pour n’importe
quel humain qu’elle croise.
Je parle avec un ancien paysan. Il se dit pour la décroissance, sa seule
inquiétude étant que les services de santé soient toujours
performants.
Je dors dans un coin de forêt. Mais Jujube ne mange pas, sont-ce tous
les cris d’animaux, les cris de chouettes qui la perturbent ?
Coin de forêt- Mareuil - Les Graulges 29/09
J’arrive dans cette grande maison magnifique, pleine d’œuvres
d’art mais sans âme qui vivent sauf de nombreux chats qui passent
furtivement. Une petite chambre a été préparée pour
moi. Avec un magnifique édredon. Que de confort. Je prend une douche.
L’ânesse a de la magnifique herbe verte à brouter dans ce
jardin plein de fleurs où des projections de films se donnent en été.
Mais qui vais-je rencontrer ?
Les Graulges 30/09
Maria est une artiste. Elle est partie à pied autour de Bordeaux. Elle
fait un chouette projet de parole de femme dans les communes environnantes,
laissant les femmes parler devant toutes les autres devant la caméra
fixe. Elle m’a montré son dernier montage. Ce projet crée
des liens entre ces femmes du Périgord vert.
Les Graulges -Rougnac- Hameau de la Brousse (Sers) 01/10
Rougnac, pour 400 habitants il y a tout ce qui faut : une épicerie, boulangerie,
bar, poste, ça fait plaisir.
Hameau de la Brousse 02-03/10
Chouette endroit pleins d’art et d’artistes (www.hameaudelabrousse.com).
Ils font de l’agriculture biodynamique et ont des « woofers »
(formidable réseau de travailleurs volontaires et de fermes bio www.wwoof.org)
qui viennent aider régulièrement. Cet endroit semble vraiment
bien fonctionner. Les choses sont gérées par Michel et …
Reconnus comme haut-lieu culturel dans le coin, ils ont pu obtenir des subventions
pour payer les artistes notamment.
Ils font très attention à tout recycler. C’est plus écologique
et collectif que de nombreux lieux qui s’affichent écolos et collectifs.
On a un chouette débat animé le soir du dimanche.
A part un débat peu intéressant avec un pro-communiste sur le
thème typique de : « la décroissance c’est une discussion
de riches, le problème c’est le pouvoir d’achat qui baisse».
J’argumente que l’idée est de remettre en cause le modèle
occidental, et d’opérer une décroissance au niveau de notre
imaginaire.
Une question plus intéressante soulevée par Auguste Templier d’une
université de pays du coin : « D’accord il y a des gens qui
travaillent moins, mais qui vivent finalement du RMI. Mais qui paye le RMI ?
». J’ai répondu que le système du RMI n’est
pas le système idéal, disons que le système en entier n’est
pas idéal. Les moyens de production sont notamment hors d’atteinte
de nombreuses personnes, par exemple l’accès à la terre
coûte maintenant très cher. Face à ces coûts injustes,
le RMI est un moindre mal. Beaucoup mieux serait d’avoir accès
non pas à des moyens de consommation mais à des moyens d’auto-production.
Ce qui est inacceptable, ce n’est pas que des personnes reçoivent
le RMI, c’est plutôt que de nombreuses personnes puissent impunément
créer une quantité énorme d’entropie en extrayant
des ressources naturelles ou en les gaspillant. Comme de nombreuses personnes
agissent de cette manière il semble un juste retour des choses dans le
système actuel que l’on redistribue quelques miettes par le RMI.
Redécouverte des échanges directs plutôt que par des multinationales
et gros supermarchés. On peut vivre avec moins d’argent parce qu’on
peut auto-produire parce qu’on peut éviter toutes sortes d’intermédiaires
coûteux et parce qu’on peut éviter toutes sortes de consommations
dont le besoin a été inventé de toutes pièces, de
va et vient incessant. A terme on a moins besoin de travailler pour des choses
inutiles.
Le droit d’utiliser les routes a été un acquis obtenu de
haute lutte. Les paysans voulaient par exemple pouvoir échanger leurs
productions sur les marchés locaux. Ce transport se faisait par dos de
mulet ou d’âne, par charrette, à dos d’homme ou de
femme. Ce droit a maintenant été totalement usurpé par
l’automobile et les camions. Et le droit de passer en âne est assez
souvent remis en cause. Cette usurpation s’est fait en fin 19eme et début
du 20eme par une grosse faute stratégique des cyclistes de l’époque
qui ont lutté pour des routes de bonne qualité car ils avaient
mal au cul sans penser que pouvait arriver derrière un autre véhicule
qui risquait de les détrôner. Moralité il faut parfois voir
plus loin que son cul quand on fait de la stratégie.
Sers-Garat 04/10
Je fais une interview pour Radio Nova à 7h30 le matin. Je n’ai
que trois minutes pour parler. Assez pour lancer quelques idées fortes
sur la décroissance. J’imagine les parisiens qui écoutent
ça avant de commencer le boulot ce lundi matin.
Je traverse une grande forêt et réussis même à ne
pas me perdre. Bien que les gens de la Brousse m’en aient déconseillé.
« C’est vraiment une grande forêt sauvage ».
J’arrive à Garat, L’ânesse est mal accueillie par une
ponette et une jument qui ont un manège bien défini. Quand la
ponette a commencé à mordre Jujube, on a compris qu’il ne
fallait pas la laisser là.
Eric et Laure vivent prêt d’un projet de piste cyclable. Ça
c’est un chouette endroit. Ils ont même pu s’installer car
ils étaient content du passage de cette piste dans leurs terres.
Garat-angoulême 05/10
Je quitte Eric, Laure et Pablo.
Je croise un paysan et lui explique ma démarche: « je fais un tour
du sud avec cette ânesse et je fais des petites conférences. Par
exemple on discute de la question de savoir si les riches de ce monde devraient
être encore plus riches. » Sa réaction était instantanée
« ha ça on sait pas, on sait pas » me dit-il.
J’arrive près d’un énorme centre équestre.
Et nous continuons notre chemin alors qu’un enfant est terrorisé
sur un cheval alors que des instructeurs coupent leur souffle. Ils n’osent
même me regarder. Je fais 50 m et voilà que j’entend un cri
strident, des gens courent de toute part et un cheval en furie apparaît
mais sans cavalier. Ça a l’air grave. Bon on va rester avec notre
ânesse pépère et ne pas se lancer dans les courses d’équitation.
La loi fait la belle vie aux tracés routier. On expropriera pour le passage
d’une route. Mais quand il s’agit d’un passage de piétons,
même quand le passage existe depuis des années, nous sommes à
la merci d’une décision de propriétaire. Encore une fois
l’état aide les plus forts et on s’étonne que l’on
en soit réduits à de la croissance. Alors que la perturbation
de piétons est bien moindre.
Sur le chemin vers Angoulême, le GR passait ainsi par un vallon magnifique,
un magnifique tunnel de végétation. Cette partie, la plus belle
du GR a été détournée à cause d’un
propriétaire récalcitrant. J’ai quand même suivi l’ancien
tracé, ce qui m’a obligé à dégager le chemin
de restes de barbelés qui auraient pu blesser l’ânesse.
J’arrive par les cités de d’angoulême. Un jeune dira
: « ça fait tellement plaisir de voir un âne par ici, ça
calme tout ». Dans le centre, je laisse paître l’ânesse
dans les jardins de l’hotel de ville. Je discute avec un angoumoisin :
« si c’est pas nous qui croissons d’autres vont croître
à notre place ». J’essaye d’expliquer à la police
locale que l’ânesse est une tondeuse écologique.
Nous aurons le soir un chouette débat le soir à la Maison des
Peuples et de la Paix. Je laisserais l’ânesse chez Michel, un fondateur
de l’ATTAC local.
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