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De Thiviers à Angoulême (du 22 septembre au 5 octobre 2004)

Thiviers-Villars 22-23/09

Je suis la véloroute faite sur une ancienne voie ferrée. Je passe par St Jean-de-côle

Je resterai deux jours chez Yvan et Marie-Claire à la ferme du brandau. Yvan fait une thèse sur l’agriculture bio. Nous parlerons de ses différents fondateurs. A mon avis la notion de local n’est pas assez explicitée dans le concept de départ, d’où l’importance de spécifier bio ET local. Mes hôtes participent à des expérimentations de maïs non-transgénique. Mais les sangliers ne semblent pas comprendre de l’importance de cette mission politique et dévastent ce champs comme les autres.

Très catholique comme sa femme, Yvan est choqué par le fait qu’un des fondateurs reconnu du bio, Rudolf Steiner, soit tant marqué par le spiritisme. Il préfère Fukuoka qui a lancé l’idée d’une agriculture peu interventionniste (sans taille, sans labour, sans traitements, sans enlever les mauvaises herbes ou du moins par petites touches subtiles).


Mon cousin Bruno

Villars – Champagnac-de-Belair 24/09

Je quitte le Brandau. La petite Mana est prête à partir à l’aventure avec Jujube semble-t-il. Mon périple fascine vraiment les enfants.

Il m’est difficile d’avoir un rendez-vous à l’hôpital d’Angoulême pour faire une analyse IRM. Il faut renvoyer toutes sortes de papiers, avoir tout son dossier avec soi. Je me résous à lui expliquer que je voyage à pied. C’est alors que Jujube se met à braire à 1 mètre du téléphone. A partir de ce moment la secrétaire au départ très gentille et volontaire, me semble très exaspérée. Il me faut attendre un mois pour faire cette analyse médicale.

Incroyable toutes ces monocultures de maïs qui existent à 90% pour nourrir les animaux d’élevage industriel. Dans la suite des horreurs, quelles surfaces vont être nécessaires pour nourrir les « animaux-voitures » avec des champs de colza et de tournesol si nous continuons à vouloir nous déplacer frénétiquement avec tous ces engins routiers ? On trouve déjà peu de champs pour nourrir les gens et peu de nature. D’après des documents soutenant le bio-diesel il ne faudrait « que » 20 millions d’hectares de tournesol ou colza pour satisfaire nos besoins actuels de transport.

Ce sont les premières châtaignes. Jujube goûte ce nouveau fruit inconnu. Elle aime quand je lui en donne mais surtout quand elles ont été « épluchées » par les voitures. Elle a compris que les noisettes étaient délicieuses et elle les croque toutes.

Chouette soirée chez des éleveurs, Agnès et Stéphane. Ils m’invitent pour un repas fantastique. Je m’étais justement dit que j’allais dire que je suis végétarien et que je préfère manger cru (c’est mieux quand on a une tumeur paraît-il). Mais le soir j’abandonne cette décision. Comment résister à toutes ces victuailles tellement bonnes que l’on m’offre si généreusement.
Le matin le maréchal ferrant vient. C’est vraiment très gentil de sa part d’avoir pu se déplacer. On ne ferre que les pattes de devant. Mais jujube ne se laisse pas faire. « Il faut savoir qui est l’esclave et qui est le maître ». Piqûre pour l’endormir, puis utilisation douteuse appelée le tourné qui tord de manière horrible les lèvres de l’ânesse. Mais ça ne marche pas, ne marchent pas non plus les coup avec les différents outils. Jujube accepte de moins en moins. La compréhension et la douceur sont bien plus efficaces que ces méthodes barbares. Je n’arrive pas à faire ce que le maréchal ferrant me demande, je me retrouve coincé mais ne peux jouer le jeu, j’en suis malade. Je veux tout faire maintenant pour éviter d’avoir à ferrer. Il me faudra accepter de marcher moins tout simplement.

Champagnac-de-Belair – Brantôme 25/09

Brantôme 26-27/09

Je resterai quelques jours au Jardin d’Alaije, lancé par Corinne et son copain qui vivaient au RMI avec un petit jardin et une auto-production de légumes. Ils ont voulu partager ce savoir avec des sans abris pour qu’au moins ils puissent produire leur propre nourriture de meilleure qualité. C’est une superbe réussite avec 18 employés qui réalisent journellement un magnifique jardin botanique. Ils produisent les fleurs pour la ville et des légumes pour ceux et celles qui y travaillent. Mais parfois les RMIstes qui viennent sont assez peu intéressé par les légumes, surtout les célibataires masculins. IL faut les convaincre d’en prendre. C’est beaucoup plus simple de cuire des patates et des nouilles. Cela nous apprend que le problème n’est pas forcément matériel. Je m’en rend compte avec tous ces fruits qui se perdent partout : tellement de pommes, de noix, de châtaignes, de fruits sauvages se perdent. Et pourtant il pourrait en rester bien plus, on a coupé beaucoup d’arbres pour favoriser les monocultures. Le modèle des pauvres est celui que l’on voit à la télé, dans la pub et ne valorise pas l’épluchage de châtaignes ou de haricots. Le problème est bien plus culturel, comme dit Serge Latouche, il s’agit de « décoloniser l’imaginaire ».

Les amis d’Alaije participent aussi, entre autres projets, à la réalisation des chemins de randonnée. J’ai pu voir à l’œuvre un travailleur dédié à la mise en place de ces chemins et du balisage. Dommage que la réalisation soit un peu trop tournée sur les boucles, bien tous les randonneurs modernes sont des automobilistes.

35 personnes environ sont venues à la soirée débat. L’organisation de ces jours-ci doit beaucoup à Bruno mon cousin artiste du périgord. Après la présentation et le débat il nous a fait apparaître l’ombre de l’ânesse et moi-même sur un grand drap. Il a ainsi fait apparaître l’ombre des passants à Périgueux.



Alaije- coin de forêt 28/09

Je pars d’Alaije.
Jujube se sauve avec des touristes.

Ha si tous les vieux chemins existaient ma vie de colporteur serait tellement plus facile. Jujube avance tellement bien par les chemins forestiers. Le pire étant les bords de route, avec toujours de la luzerne qui arrête l’ânesse, avec le danger des voitures, qui fait que je dois la surveiller sans arrêt.



La grande force de l’action Jujubesque est son absence totale d’a priori négatif. Elle s’approche de tous les animaux même les chiens qui aboient pour leur faire la bise comme elle le fait pour n’importe quel humain qu’elle croise.

Je parle avec un ancien paysan. Il se dit pour la décroissance, sa seule inquiétude étant que les services de santé soient toujours performants.

Je dors dans un coin de forêt. Mais Jujube ne mange pas, sont-ce tous les cris d’animaux, les cris de chouettes qui la perturbent ?

Coin de forêt- Mareuil - Les Graulges 29/09

J’arrive dans cette grande maison magnifique, pleine d’œuvres d’art mais sans âme qui vivent sauf de nombreux chats qui passent furtivement. Une petite chambre a été préparée pour moi. Avec un magnifique édredon. Que de confort. Je prend une douche. L’ânesse a de la magnifique herbe verte à brouter dans ce jardin plein de fleurs où des projections de films se donnent en été. Mais qui vais-je rencontrer ?

Les Graulges 30/09

Maria est une artiste. Elle est partie à pied autour de Bordeaux. Elle fait un chouette projet de parole de femme dans les communes environnantes, laissant les femmes parler devant toutes les autres devant la caméra fixe. Elle m’a montré son dernier montage. Ce projet crée des liens entre ces femmes du Périgord vert.

Les Graulges -Rougnac- Hameau de la Brousse (Sers) 01/10

Rougnac, pour 400 habitants il y a tout ce qui faut : une épicerie, boulangerie, bar, poste, ça fait plaisir.

Hameau de la Brousse 02-03/10



Chouette endroit pleins d’art et d’artistes (www.hameaudelabrousse.com). Ils font de l’agriculture biodynamique et ont des « woofers » (formidable réseau de travailleurs volontaires et de fermes bio www.wwoof.org) qui viennent aider régulièrement. Cet endroit semble vraiment bien fonctionner. Les choses sont gérées par Michel et …

Reconnus comme haut-lieu culturel dans le coin, ils ont pu obtenir des subventions pour payer les artistes notamment.

Ils font très attention à tout recycler. C’est plus écologique et collectif que de nombreux lieux qui s’affichent écolos et collectifs.

On a un chouette débat animé le soir du dimanche.
A part un débat peu intéressant avec un pro-communiste sur le thème typique de : « la décroissance c’est une discussion de riches, le problème c’est le pouvoir d’achat qui baisse». J’argumente que l’idée est de remettre en cause le modèle occidental, et d’opérer une décroissance au niveau de notre imaginaire.

Une question plus intéressante soulevée par Auguste Templier d’une université de pays du coin : « D’accord il y a des gens qui travaillent moins, mais qui vivent finalement du RMI. Mais qui paye le RMI ? ». J’ai répondu que le système du RMI n’est pas le système idéal, disons que le système en entier n’est pas idéal. Les moyens de production sont notamment hors d’atteinte de nombreuses personnes, par exemple l’accès à la terre coûte maintenant très cher. Face à ces coûts injustes, le RMI est un moindre mal. Beaucoup mieux serait d’avoir accès non pas à des moyens de consommation mais à des moyens d’auto-production. Ce qui est inacceptable, ce n’est pas que des personnes reçoivent le RMI, c’est plutôt que de nombreuses personnes puissent impunément créer une quantité énorme d’entropie en extrayant des ressources naturelles ou en les gaspillant. Comme de nombreuses personnes agissent de cette manière il semble un juste retour des choses dans le système actuel que l’on redistribue quelques miettes par le RMI.

Redécouverte des échanges directs plutôt que par des multinationales et gros supermarchés. On peut vivre avec moins d’argent parce qu’on peut auto-produire parce qu’on peut éviter toutes sortes d’intermédiaires coûteux et parce qu’on peut éviter toutes sortes de consommations dont le besoin a été inventé de toutes pièces, de va et vient incessant. A terme on a moins besoin de travailler pour des choses inutiles.

Le droit d’utiliser les routes a été un acquis obtenu de haute lutte. Les paysans voulaient par exemple pouvoir échanger leurs productions sur les marchés locaux. Ce transport se faisait par dos de mulet ou d’âne, par charrette, à dos d’homme ou de femme. Ce droit a maintenant été totalement usurpé par l’automobile et les camions. Et le droit de passer en âne est assez souvent remis en cause. Cette usurpation s’est fait en fin 19eme et début du 20eme par une grosse faute stratégique des cyclistes de l’époque qui ont lutté pour des routes de bonne qualité car ils avaient mal au cul sans penser que pouvait arriver derrière un autre véhicule qui risquait de les détrôner. Moralité il faut parfois voir plus loin que son cul quand on fait de la stratégie.

Sers-Garat 04/10

Je fais une interview pour Radio Nova à 7h30 le matin. Je n’ai que trois minutes pour parler. Assez pour lancer quelques idées fortes sur la décroissance. J’imagine les parisiens qui écoutent ça avant de commencer le boulot ce lundi matin.

Je traverse une grande forêt et réussis même à ne pas me perdre. Bien que les gens de la Brousse m’en aient déconseillé. « C’est vraiment une grande forêt sauvage ».

J’arrive à Garat, L’ânesse est mal accueillie par une ponette et une jument qui ont un manège bien défini. Quand la ponette a commencé à mordre Jujube, on a compris qu’il ne fallait pas la laisser là.
Eric et Laure vivent prêt d’un projet de piste cyclable. Ça c’est un chouette endroit. Ils ont même pu s’installer car ils étaient content du passage de cette piste dans leurs terres.

Garat-angoulême 05/10

Je quitte Eric, Laure et Pablo.



Je croise un paysan et lui explique ma démarche: « je fais un tour du sud avec cette ânesse et je fais des petites conférences. Par exemple on discute de la question de savoir si les riches de ce monde devraient être encore plus riches. » Sa réaction était instantanée « ha ça on sait pas, on sait pas » me dit-il.

J’arrive près d’un énorme centre équestre. Et nous continuons notre chemin alors qu’un enfant est terrorisé sur un cheval alors que des instructeurs coupent leur souffle. Ils n’osent même me regarder. Je fais 50 m et voilà que j’entend un cri strident, des gens courent de toute part et un cheval en furie apparaît mais sans cavalier. Ça a l’air grave. Bon on va rester avec notre ânesse pépère et ne pas se lancer dans les courses d’équitation.

La loi fait la belle vie aux tracés routier. On expropriera pour le passage d’une route. Mais quand il s’agit d’un passage de piétons, même quand le passage existe depuis des années, nous sommes à la merci d’une décision de propriétaire. Encore une fois l’état aide les plus forts et on s’étonne que l’on en soit réduits à de la croissance. Alors que la perturbation de piétons est bien moindre.

Sur le chemin vers Angoulême, le GR passait ainsi par un vallon magnifique, un magnifique tunnel de végétation. Cette partie, la plus belle du GR a été détournée à cause d’un propriétaire récalcitrant. J’ai quand même suivi l’ancien tracé, ce qui m’a obligé à dégager le chemin de restes de barbelés qui auraient pu blesser l’ânesse.



J’arrive par les cités de d’angoulême. Un jeune dira : « ça fait tellement plaisir de voir un âne par ici, ça calme tout ». Dans le centre, je laisse paître l’ânesse dans les jardins de l’hotel de ville. Je discute avec un angoumoisin : « si c’est pas nous qui croissons d’autres vont croître à notre place ». J’essaye d’expliquer à la police locale que l’ânesse est une tondeuse écologique.

Nous aurons le soir un chouette débat le soir à la Maison des Peuples et de la Paix. Je laisserais l’ânesse chez Michel, un fondateur de l’ATTAC local.



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