Intervention de Sylvain Godinot, colloque décroissance de Lyon, le 26 septembre 2003.

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Sylvain Godinot est administrateur des Amis de la Terre. Il travaille sur le changement climatique depuis 3 ans.

Les impacts du changement climatique sont déjà visibles. (image 2 : impacts constatés au 20eme siècle en France)
On mesure déjà de nombreux impacts en France, tant sur le milieu biologique (accroissement de la vitesse de pousse des arbres, montée en altitude de la flore alpine, apparition de poissons tropicaux en Méditerranée…) que sur le milieu agricole : floraison des fruitiers plus précoce, vendange plus précoce, etc. A noter aussi une diminution de l’enneigement en basse altitude (<1500m). En France, le réchauffement a été de 0,9°C, et au niveau mondial de 0,6°C. La montée des océans est de 10 à 20 cm.

Les émissions de gaz carbonique et la température augmentent de façon corrélée depuis 150 ans. ( image 3 : évolution des températures et de la concentration en CO2 depuis la révolution industrielle. )
Le taux de CO2 est passé de 280 à 370 ppm (parties par millions en volume). La température a augmenté de 0,6 °C.
Il faut par ailleurs noter que le CO2 ne fait pas tout l’effet de serre, puisque près de la moitié est constitué par d’autres gaz. D’autre part, certains de ces gaz à effet de serre ne sont pas suivis par le Protocole de Kyoto : ozone et CFC car ils sont inclus dans d’autres accords. Ils sont cependant suivis par le GIEC, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui fait le consensus pour les Nations Unies et regroupe 2000 à 3000 chercheurs.

Ces variations sont également corrélées sur au moins 400.000 ans. ( image 4 : lien entre CO2 et Températures sur les 400.000 dernières années.)
Ces courbes sont issues de prélèvements de carottes glaciaires en Antarctique, par l’équipe de glaciologie de M Lorius du CNRS Grenoble. Les billes d’air emprisonnés dan la glace permettent de reconstituer les concentrations en gaz. On observe le même lien pour le méthane et le protoxyde d’azote. Jamais la concentration en CO2 n’a atteint des valeurs aussi élevées qu’aujourd’hui sur cette période d’un demi million d’année (on manque de données pour aller au delà). Plusieurs phénomènes expliquent de ces variations naturelles : changement d’inclinaison de l’orbite terrestre du fait de l’attraction des planètes géantes du système solaire, débâcle d’icebergs géants se décrochant du fait de leur poids des calottes polaires, etc.

Le cycle du carbone ne parvient pas à recycler toutes nos émissions (image 5 : la planète recycle la moitié de nos émissions).
Bien que les émissions dues à l’homme représentent une petite partie du cycle du carbone, les puits constitués par les océans (phytoplancton) et par les sols et la végétation (forêts notamment) ne peuvent actuellement absorber que 3 des 6,5 milliards de tonnes de carbone que nous émettons. Ces émissions sont dues pour 75 à 80 % aux combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz), et pour le reste à la déforestation. La vitesse de réchauffement dépend donc non seulement de nos émissions (recours plus ou moins grand aux combustibles fossiles) mais aussi de la bonne santé des puits. Or le réchauffement peut avoir des effets néfastes pour eux : stress hydrique des arbres si les températures montent trop, mort du phytoplancton (déjà affaibli par l’excès d’UV du au trou de la couche d’ozone) pour les mêmes raisons, non mélange des eaux de surface et profondes due à une trop forte différence de densité…

On prévoit pour le 21ème siècle un réchauffement moyen de 1,5 à presque 6°C ( image 6 : ça va chauffer)
Les scénarios du GIEC sont basés sur des hypothèses de modèle de population, développement de société, plus ou moins régionalisé (convergence ou non des niveaux de vie) et de modèle énergétique qui balayent un très large spectre d’une quarantaine de scénarios. Ils aboutissent à une très vaste fourchette de réchauffement, due pour moitié à ces hypothèses (donc au monde que nous construirons) et pour l’autre aux incertitudes de réaction du système climatique. La comparaison avec les mille dernières années (image de droite) montre la fantastique amplification du phénomène.
Les impacts seront multiples ( image 7 : imacts)
L’augmentation de température se traduit par :
une montée des mers (dilatations thermique des océans et fonte des glaces terrestres) ; elle provoquera des pertes de terres arables et des déplacements de population. Une grande partie des villes sont construites sur les cotes.
un changement du cycle de l’eau :précipitations plus importantes dans les hautes latitudes et sur l’équateur, plus rares sur les tropiques, donc aggravation des sécheresses dans les zones arides ;
un impact direct sur les écosystèmes : nécessité des espèces vivantes de se déplacer vers les pôles pour retrouver le climat auquel elles sont adaptés. Un réchauffement de 1°C correspond à un déplacement de 100 à 150 km vers le Nord pour la France. Cela entraînera des disparitions massives d’espèces si le réchauffement dépasse 2°C dans le siècle. Cet effet vient en plus d’autres problèmes de destruction ou de cloisonnement d’écosystèmes, donc affaiblira encore des espèces déjà vulnérables.
Un bouleversement de l’agriculture : les paysans devront changer de variété pour s’adapter aux nouvelles saisons. Cela entraînera des hausses ou baisses de productivité des terres, mais le second phénomène sera d’autant plus dominant que le réchauffement sera fort. Les pays du Nord (Canada, Russie) pourraient y gagner de nouvelles terres cultivables, les pays tropicaux risquent fortement d’y perdre, leurs plantes étant déjà proches de leurs limite maximale de température. L’adaptation des techniques agricoles sera décisive, et les pays pauvres auront moins de moyens pour la mettre en place.
La santé sera touchée par des pics de chaleur en été qui ne seront probablement pas compensés par la moindre moralité des hivers plus doux. Mais la menace vient surtout de l’extension de maladies tropicales propagées par des insectes (type paludisme) ou microbes (contamination des eaux) qui atteignent de nouvelles zones (survie plus facile des insectes en altitude).

Quel scénario environnemental pour le siècle en cours ? ( image 8 : scénario environnemental : +2-3°C)
Le scénario le plus « optimiste » (B1) prévoit une augmentation de 2 à 3 °C, soit 4 fois le » réchauffement au 20ème siècle. C’st la vitesse limite supportable pour les écosystèmes. Le CO2 atteindrait un taux double de la concentration naturelle. Pour cela, il faut un partage technologique fort entre Nord et Sud, le développement d’une économie de services et d’informations, et une croissance douce de la population, plafonnant au milieu du siècle et une meilleure équité. Le scénario laisser faire, avec un développement économique basé sur les combustibles fossiles mène à une multiplication par 4 du CO2. Le bouquet énergétique mondial passerait de 55% gaz & pétrole, 25 % charbon et 20% nucléaire & renouvelables, à 40% de pétrole et gaz, moins de 10% de charbon et 50 % de nucléaire renouvelables.

L’épuisement des combustibles fossiles arrivera trop tard ( image 9)
La comparaison entre les ressources prouvées et les scénarios de réchauffement montre que les seules réserves de charbon sont supérieures à ce qu’il est possible de brûler dans le meilleur scénario. Il y a par ailleurs largement plus de réserves que tout ce que nous avons déjà consommé en un siècle et demi. S’en remettre à la pénurie de combustibles n’est donc pas viable.

Les scénarios officiels mondiaux n’intègrent pas encore la protection du climat ( image 10)
Le plus favorable prévoit une légère diminution des fossiles, en particulier du charbon, au profit du nucléaire et surtout des renouvelables. L’autre envisage un doublement de la consommation de fossiles.

En France, nous sommes sur les mêmes perspectives. ( image 11)
Le scénario environnemental élaboré par le commissariat au plan se base sur le respect du protocole de Kyoto, soit pour nous une stabilisation des émissions, quand le GIEC nous demande de les diviser par 4. Or ces scénarios servent à régler le niveau d’effort nécessaire, il est donc urgent de concevoir les scénarios permettant d’atteindre cet objectif, première étape pour prendre conscience de la mesure de l’effort.

Niveau d’émissions et richesse nationale sont ils corrélés ? ( image 12)
La question revient à savoir si une diminution des émissions sez traduit par une baisse du produit intérieur brut. On constate une relation globalement linéaire, les pays très pauvres étant bien moins émetteurs que les très riches. On note cependant des disparités très fortes entre pays de richesse comparable, ou de même niveau d’émissions. Ainsi, la Russie émet autant par habitant que le Royaume Uni, pour une richesse 3 fois moindre. Et la France émet 3 fois moins que les Etats Unis, pour une richesse inférieure de moins de 25%.

L’évolution du PIB et des émissions est cependant liée. ( image 13)
Le parallélisme des courbes d’émissions et de PIB était parfait avant les chocs pétroliers, qui ont entraîné un découplage, c’est à dire une moindre croissance énergétique par point de PIB. Le second choc pétrolier a permis une croissance positive avec une baisse de la demande énergétique pendant 4 ans, mais la tendance repart à la hausse. L’OCDE n’a pas réussi à maintenir sa croissance en réduisant ses émissions. On peut directement en conclure que notre modèle économique n’est pas durable avec une croissance positive, puisqu’on tend vers une consommation infinie de ressources. Or il ne semble pas non plus l’être en récession.
Il faut par ailleurs s’interroger sur ce que mesure le PIB, qui n’est qu’un indicateur financier et non de bien être, il peuvent même être contradictoires. La croissance n’est pas le but de l’humanité, quoiqu’en dise certains de nos dirigeants.

La décroissance des émissions doit commencer maintenant ( image 14)
Les scénarios d’un centre de recherche anglais, qui vise une convergence par habitant des émissions d’ici la fin du siècle, montre combien les pays riches doit diminuer les leurs pour que les pauvres puissent se développer sans que l’ensemble explose. Pour une stabilisation à 450 parties par millions, soit environ l’effort du scénario environnemental du GIEC, il faut que les riches décroissent dès maintenant, et que les autres atteignent un maximum vers 2040, et que les émissions ne dépassent jamais 7 milliards de tonnes de carbone par an, maximum atteint en 2020 environ.

Kyoto peut être vu comme une première étape symbolique sur cette voie ( image 15)
L’objectif de l’Union Européenne européen pour Kyoto, de-8%, est basé en partie sur son efficacité en carbone soit les émissions par habitant divisées par leur richesse. Il prévoit que les moins riches pourront augmenter leurs émissions et que les autres devront les réduire, l’effort le plus important, étant demandé au Luxembourg, qui dépasse les émissions par habitant des Etats Unis du fait d’une industrie vétuste.

La disparité actuelle des émissions est gigantesque, certains pouvant multiplier par 10 leurs émissions, les plus riches devant les diviser par 10. ( image 16)
Le niveau soutenable pour notre population, avec nos puits, représente environ 2 tonnes de CO2 par an et par habitant. C’est 2 fois moins que la moyenne mondiale, mais 10 fois moins que celle des Etats Unis, 6 fois moins que celle de l’OCDE, et 4 fois plus que celle de l’Afrique subsaharienne.

Trois axes sont nécessaires pour cette décroissance ( image 17)
La première voie est celle de la sobriété énergétique, qui revient à distinguer les besoins de base des services de confort. A l échelle de l’individu, c’est par exemple le choix entre un réfrigérateur de petite taille et un modèle à double porte avec distributeur de glaçons, ou entre une petite et une grosse voiture.
L’efficacité énergétique consiste à consommer toujours moins d’énergie pour le même service. L’ampoule basse consommation, qui nécessite 5 fois moins d’énergie pour une même éclairage est bien connu.
Enfin, Ces 2 efforts ayant déjà réduit la demande des 2 tiers, on peut produire le dernier tiers par des énergies renouvelables, qui émettent très peu de gaz à effet de serre (seulement les émissions issues de la construction des installations et de leur fin de vue) et pas de déchets nucléaires.
Un contre exemple parfait : le nouveau gouverneur de Californie, Arnold Schwarzeneger, a souhaité pendant sa campagne faire un geste en direction de l’électorat écologiste. Il a donc promis de passer son Hummer, le plus gros 4x4 du monde, en carburant hydrogène ! Ni sobre (il pourrait rouler en petite voiture ou même à vélo), ni efficace ( plus de 3 tonnes de mécanique pour déplacer 100 kg de muscles), et d’ailleurs pas forcément renouvelable, selon la façon dont il produira son hydrogène…
Raté, il a juste montré qu’il n’a rien compris à ces problématiques…

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« Celui qui
croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »
Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.

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