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Du recyclage des matériaux à l'extension de la sphère monétaire :
Guillaume Duval va loin dans le mur... et avec élan !
7 Janvier 2005

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Introduction

Dans un article sur la décroissance, le rédacteur en chef adjoint d'Alternatives Economiques lui-même, nous sert un article particulièrement fumeux. Parmi la multitude des gaffes bévues et boulettes proposées dans cet article du numéro Hors Série N° 63 sur le Développement Durable, nous retiendrons celles qui nous font le plus douter de ce que cette revue prétend être par son titre : un observatoire des alternatives économiques.

Du recyclage et du progrès dans le discours de Guillaume Duval

De ce premier exemple, on tirera que le rédacteur en chef adjoint d’Alternatives Economiques ne pousse pas son raisonnement à fond et loupe une occasion de se taire. En effet, si comme il le reprend, le recyclage à 100% n’existe pas et que, comme il le dit, « une réorientation massive des modes de production et de consommation nécessiterait un effort colossal d’investissement », alors il devrait convenir, si on prend au pied de la lettre l’aspect durable du développement qu'il défend, que toute politique de recyclage de matières non renouvelables est vouée à un échec plus ou moins proche, de manière purement ...mécanique, comme il aime à le dire. Problème : dans ce cas, Latouche et les autres ont raison : il faut descendre du train, car même en ralentissant on va dans le mur. Mince alors !

Mais ce n'est pas tout. Duval est semble t-il capable d’écrire tout à la fois, qu’il pense que les progrès, en terme de conception des produits et de leur recyclage, pourraient permettre de diminuer la consommation des matières premières ; alors qu’un peu plus loin dans l'article, il écrit que « Quasiment plus personne ne croit aujourd’hui que, grâce au progrès scientifique et technique, l’humanité se dirigerait mécaniquement vers un avenir radieux » Mais alors, lui, peut-il nous dire clairement à quoi il croit lorsqu'il écrit son article ? Faut-il rappeler que c'est cela qui intéresse le lecteur ?

René Girard recyclé par Guillaume Duval

Lorsque Duval fait usage des analyses de René Girard il se garde bien, lorsqu’il parle des « ressorts violents que cachent les rituels colorés » des « sociétés traditionnelles » et leur « côté folklorique », d’appliquer la grille de lecture girardienne à la société occidentale ellemême qui a aussi ses rituels colorés que de nombreux anthropologues et autres chercheurs ont déjà décrit1. Duval adopte strictement à l’attitude coloniale qui consiste à appliquer le regard de l'occidental sur « ces sociétés traditionnelles », qu’il traite par ailleurs avec autant de condescendance et d’incompréhension, que d’incompétence2. Il ressort de cela que, non seulement Duval n’a certainement pas lu Girard ou alors bien vite, mais qu’il a sans doute oublié ce que Weber voulait exprimer par son concept de sociologie compréhensive, et escamoté ce que Bourdieu a pu écrire concernant la nécessaire réflexivité de toute analyse.

Bref sous la plume d'un Rédacteur en chef d’une revue d’économie, on pourrait dire que côté réflexion, c'est un peu court. Mais notre homme, dans cette société trépidante, n'a peut être plus le temps de lire. C'est dommage, la décroissance de son activité lui permettrait peut-être une clarification de son discours, et donc de l'image politique de son papier. Pour aller aussi loin dans le mur, là aussi c'est mécanique : il faut aller vite !

Pour Guillaume Duval, entre monétarisation totale et féodalisme : vous devez choisir !

Le passage sur « la monétarisation de nombreux aspects de la vie sociale (éducation, fabrication des vêtements, repas, etc.) » souffre d’une lecture historicisante biaisée de l’histoire occidentale. Mais son biais le plus flagrant est celui de l’a priori impardonnable de Duval, et qui fait fi de tous les résultats d’enquêtes que les sociologues du travail ont pu mener au cours de très nombreuses décennies. En effet : Qui travaille dans les usines textiles et les ateliers de confection ? Qui travaille dans les écoles maternelles primaires et secondaires ? Qui confectionne les repas dans les écoles, les restaurants universitaires et autres cantines ? Duval voudrait donc dire que la-dite monétarisation aurait donc servi le sexe faible ? Quelle foutaise !

Voilà un bel exemple d’utilisation d’une vision tronquée pour ne pas dire erronée et trompeuse de la réalité, dont l’objectif est de discréditer un mouvement dont Monsieur Duval ne connaît visiblement rien ou si peu, et qu’il accuse pour le diaboliser de vouloir revenir au féodalisme. On croit rêver ! Et encore heureux que je sois un homme, car on aurait pu me qualifier de féministe aveuglée et hystérique. Qui veut revenir au féodalisme ? Levez le doigt ! Personne ? Pas étonnant : moi non plus.

Messieurs de la presse économique bien pensante, cessez de prendre les gens pour des demeurés, et surtout n’utilisez pas ceux qui sont opprimés pour tenter de protéger et transmettre vos a priori. Les opprimés en ont aussi assez d’être instrumentalisés par les bien pensants, s'il vous plait. Merci.

De l'univers idéal de Guillaume Duval

Mais ceci n’empêche pas notre héraut économiste inspiré de faire siennes des idées évidentes comme celle qui consiste à dire qu’un « retour en arrière n’a pas de sens ». Etonnant, c’est exactement ce que Serge Latouche et d’autres expliquent dans leurs ouvrages. Mais Duval semble les ignorer tout en disant les avoir lus, et en reste à prendre la métaphore du train dont il faut descendre, sans comprendre l'idée, un peu comme celui qui regarde le doigt qui montre, sans voir la lune.

Que de contresens dans cet article sont liés à cette méconnaissance du sujet et aussi à cette colonisation de l’esprit qui empêche de voir autre chose que la continuation du système en place en le déguisant en alternative.

Enfin, et j’en resterais là, il nous ressert le larmoyant « remodelage irréversible » que l’homme a fait subir à son milieu, et pour le coup prône une justice émanant d’une instance supérieure autant vaporeuse que non véritablement décrite ni dans l'article ni dans le numéro hors série. Cette autorité serait censée taper sur les doigts des docteurs Folamour. Puis il finit enfin par nous proposer tout de go sa solution pour « résoudre les problèmes écologiques » : une « extension de la sphère de l’économie monétaire », donc une marchandisation totale de notre univers !

Conclusion

L’article de Guillaume Duval est pour le moins affligeant. Non, décidément Guillaume Duval ne nous a pas compris, mais pas compris du tout ! Est-ce à croire que nos thèses lui sont vraiment inaccessibles, ou qu'elles bousculent un peu trop son Panthéon au point de lui faire proférer autant d'incohérences ? Qui sait, qui ment, qui songe...? En tout cas, pour ma part, plus je met de l'eau dans mon Duval, plus je garde les idées claires.

 

Daniel Boulange.

 

1 - Par exemple pour la publicité et les marques : « Putain de ta marque », Paul Ariès, Ed. Golias, Juin 2003,
ISBN 2-914475-39-X, ou encore concernant le sport : Redeker Robert, « Le sport contre les peuples », coll.
Pensée Politique et Sciences Sociales, Berg International, 2002. ISBN: 2-911289-41-2, et de nombreuses autres
études sur la consommation, le culte de la réussite, la voiture, les modes, la « machinisation » du corps humain.

2 - Pour faire bouger les représentations sur la société industrielle vue comme société d’abondance, il faut lire
« Age de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés primitives. » de Marshall Sahlins, chez Gallimard.

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« Celui qui
croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »
Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.

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